France[s] territoire liquide : un livre essentiel !

« Les journaux parlent de tout, sauf du journalier. […] Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, le commun, l’ordinaire, l’infra-ordinaire, le bruit de fond, l’habituel, comment en rendre compte, comment l’interroger, comment le décrire ? Interroger l’habituel. » Georges Perec. Introduction à l’Infra-ordinaire.

Si, cette année, il n’avait fallu acquérir qu’un seul document de photographie, France[s] territoire liquide aurait été celui-là !

ftl_couvMême si ce n’est pas sa vocation première, la collection Fiction et Cie du Seuil à déjà accueilli quelques livres de photographie sous la direction de son fondateur, Denis Roche, disparu il y a quelques jours. Le touchant et poignant Journal d’Alix Cléo Roubaud en est un exemple. C’est Bernard Comment, actuel directeur de la collection, qui, à Arles en juillet 2013, a décidé d’accueillir ce projet : « France(s) territoire liquide ; donc. On y lit un pluriel bienvenu. Ceux qui évoquent aujourd’hui LA France parlent un peu trop haut, et occupent un peu trop de place dans nos têtes. Le territoire est l’objet d’incessantes métamorphoses, les délimitations y sont parfois saugrenues, elles produisent du poétique à leur façon. »

Au départ du projet, il étaient quatre photographes quadragénaires : Jérôme Brézillon, décédé depuis, Frédéric Delangle, Cédric Delsaux et Patrick Messina. S’y sont ajoutés d’autres, plus âgés ou plus jeunes, pour aboutir à ce collectif de 43 photographes avec Paul Wombell comme directeur artistique. 43 photographes pour interroger le territoire. Si le projet s’inscrit dans la lignée des missions photographiques précédentes [on pense bien entendu à la mission héliographique de 1851 ainsi que les expéditions américaines de la « Nouvelle Frontière » de la fin du XIXe siècle et la Farm Security Administration (1935-1942)] il s’en démarque, en s’éloignant du paysage pour interroger le territoire, « d’un territoire imperceptible, d’un territoire différent, peut-être celui qu’on ne voit pas« . [Gilles Coulon p. 351]

ftlCe sont donc 43 démarches différentes, 43 projets dont l’esthétique est souvent soumise à une véritable démarche plasticienne que nous propose le livre. Chaque artiste, comme le réclame le règle du jeu, a écrit un texte expliquant sa démarche pour la prise en compte du projet. Cette vision plurielle manifeste aujourd’hui un état des plus novateurs de la création photographique à l’écoute d’une société fragile. Et, par delà le paysage, cette recherche inter­roge aussi le concept d’objectivité car LE territoire est avant tout MON territoire.

Il serait fastidieux de vous présenter les 43 visions contenues dans ce livre. Quelques coups de cœur toutefois : Marion Gambin et ses visions autoroutières, Geoffroy de Boismenu [à qui on doit la photo de couverture] et sa quête de la non-photogénie, Olivier Nord et ses « Paysages à vendre » mais surtout Cédric Delsaux et sa « vision altérée du réel » et, the last and not the least, Patrick Messina pour son passage de témoin au Golfe du Morbihan.

France[s] territoire liquide [Texte imprimé] : collectif de photographes / texte de Jean-Christophe Bailly. Seuil, 2014. (Fiction & Cie)

Pour aller plus loin :

400 pages au format 22×26 cm. Très bonne qualité de reproduction des photographies

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