L’oxymore du titre évoque parfaitement le contenu du livre. Un autre oxymore pourrait suggérer le travail de Christian Vium : poésie cadastrée.
La ville dont on parle est Nouakchott, « En 1958, alors […] vulgaire point d’eau autour duquel évoluent quelque cinq cents nomades vivant sous la tente, […] promue capitale de la Mauritanie par décret politique« ¹.
Comment peut-on rendre compte, comment peut-on comprendre une ville où « il n’y a

Untitled | Sprite |NKC 02.6.06 | Dar el-Beida (c) Christian Vium
rien à voir. Rien d’emblématique, rien à visiter. Rien à sauvegarder non plus dans cet agglomérat urbain surgi des sables voilà cinquante ans.« ¹ ? Christian Vium a choisit de constituer une sorte de puzzle où archives, textes et photos dressent le portrait de cette ville qui peine à émerger d’un désert qui semble n’attendre qu’un signe pour l’absorber de nouveau. C’est cette impression que donnent les premières images du livre où l’on peut voir quelques stigmates d’une occupation humaine dans un univers entièrement dominé par le sable. Opposition qu’on retrouve tout au long de « Ville nomade », dedans et dehors (marges, périphéries), nomadisme et sédentarisme, visages farouches ou fragiles d’une ville constamment menacée d’engloutissement par le sable, et les inondations (effets délétères du réchauffement climatique).
Les photographies de Christian Vium mettent en lumière (et quelle lumière !) cette ville sortie du sable et ses magnifiques portraits affirment la vie là où on serait tenté de n’y voir que vestiges. Elles insufflent une poésie à ce travail de recherche. Car comme l’indique lui-même Christian Vium « Pour ma thèse de doctorat, je l’ai poursuivi en réalisant systématiquement une sorte de cartographie ethnologique. Chaque photo est géo-localisée afin de pouvoir revenir plus tard dans le quartier concerné et constater son évolution sociale et structurelle (bâtiments, routes,…). » « Ce travail montre bien la relation entre les sciences et l’art. Ces deux formes d’enquête et d’expression peuvent être en symbiose. Ce projet n’est pas qu’un produit esthétique. Il est avant tout un travail analytique pour comprendre cette ville. »
Repéré par le Foam Talents d’Amsterdam et le prix Lensculture 2015, Christian Vium a été l’année dernière le 21e lauréat du prix HSBC pour la photographie, avec Marta Zgierska. Boursier en anthropologie visuelle, le jeune Danois est docteur en anthropologie sociale et alimente par ses photos son sujet de prédilection, «La caméra, critique culturelle».
¹Les citations sont extraites de l’article Nouakchott, fiction urbaine d’Armelle Choplin, inséré dans le livre.
VIUM, Christian. La ville nomade. – Arles (Bouches-du-Rhône) : Actes Sud, 2016
Résumé : Album du photographe lauréat du prix de la fondation HSBC en 2016
Livre – Espace Documentation – cote : 779 VIU